Sophie Alour + Harold Lopez-Nussa

Apprivoiser le temps, en capturer l’essence : n’est-ce pas là la quête ultime de tout musicien ? Arrivée au faîte d’une maturité artistique désormais reconnue de tous (prix Django-Reinhardt, Artiste de l’année aux Victoires du jazz…), Sophie Alour fait de cette ambition le fil directeur de son nouvel album, sans doute le plus personnel à ce jour. Avec elle, le temps n’est jamais long, pas plus qu’il ne file sans qu’on puisse le rattraper ; il s’agirait plutôt d’un temps souple, élastique, accélérant ou décélérant au gré des humeurs… Autour de son ténor lyrique et de sa flûte scintillante, la guitare aérienne de Pierre Perchaud esquisse de vastes paysages rythmés par la batterie toute en subtilités d’Anne Paceo, tandis que le violoncelle de Guillaume Latil se plaît tout autant à jouer les bassistes qu’à faire entendre sa voix soliste, à l’égal du saxophone. Entre jazz, rock, minimalisme ou musique malienne, un univers éminemment personnel se dessine : ni passéiste, ni futuriste, mais pleinement ancré dans notre présent.

Avec le soutien de l’Adami

Issu d’une illustre famille musicienne de La Havane, lauréat dès 2005 du prestigieux concours de piano du Montreux Jazz Festival, Haróld López-Nussa s’est imposé en une quinzaine d’années comme un acteur incontournable du renouveau de la scène jazz cubaine. Fraîchement relocalisé en France, il entame, à tout juste quarante ans, un nouveau chapitre de sa carrière avec Timba a la americana, neuvième album produit par la tête pensante du groupe Snarky Puppy, Michael League. Faisant appel au célèbre harmoniciste suisse-américain Grégoire Maret (Pat Metheny, Herbie Hancock…) tout en élargissant sa palette au Fender Rhodes et autres synthétiseurs, le pianiste s’ouvre résolument à de nouveaux horizons du groove : le morceau inaugural ne s’intitule-t-il pas « Funky » ? N’empêche que, au-delà de toutes les hybridations, les fondamentaux cubains demeurent : évidence mélodique, polyrythmie foisonnante, virtuosité étincelante, et surtout une irrépressible joie de jouer, qu’on devine déjà furieusement communicative.